Spectacle

Focus sur "Adriana Lecouvreur" de Francesco Cilea

Nous ne vous en voudrons pas si Adriana Lecouvreur ne vous dit pas grand-chose et encore moins si Cilea, son compositeur, vous est totalement inconnu, puisque la dernière fois que l’œuvre a été présentée sur notre scène, c’était en 1990. Un grand retour à ne pas manquer et l’occasion de découvrir un « biopéra » – sorte de cousin du biopic – retraçant un pan de l’histoire fascinante d’une célèbre comédienne française du XVIIIe siècle, accompagné par une BO atmosphérique et élégante.

Qui est cette « Adrienne » ?

Charles Antoine Coypel, Portrait d’Adrienne Lecouvreur dans le rôle de Cornélie.

 

Adrienne Couvreur, dite Adrienne Lecouveur, grande tragédienne du XVIIIe siècle qui a triomphé dans Racine et Corneille, fait partie de ces comédiennes qui ont alimenté la légende et pour lesquelles la fiction a rejoint la réalité. Artiste aux dons exceptionnels, elle a aussi bien séduit qu’agacé. Adulée comme une star, elle se produit sur la scène de la Comédie-Française durant treize années au cours desquelles son style naturel s’est imposé : un style totalement à contre-courant de la mode de cette époque où l’emphase est la règle. Outre un talent indéniable, sa grande séduction fait mouche et lui vaut quelques aventures, parmi lesquelles Voltaire mais aussi un certain Maurice, comte de Saxe. Sans s’en douter, ce dernier précipitera sa disparition. Amant volage, l’homme butine à gauche et à droite ainsi que du côté de la duchesse de Bouillon qui voit d’un très mauvais œil cette relation. C’est là que la fiction rejoint la réalité, du moins c’est ce que tout porte à croire, puisqu’à un moment donné la tragédienne meurt d’un mal inconnu, dans d’horribles convulsions… aurait-elle été empoisonnée, par sa rivale ? Fiction ou réalité ?

De la vraie vie au théâtre puis à l’opéra

Adrienne Lecouvreur, la tragédienne, la femme, tire sa révérence en 1730 : empoisonnée. Sa vie, voire même ses vies pourrait-on dire, est fascinante à plus d’un titre. Difficile alors pour un homme de théâtre de résister à mettre tout cela en scène. C’est ainsi que le fameux dramaturge Eugène Scribe s’empare de ce beau personnage de tragédienne et femme amoureuse morte dans des circonstances romanesques. En 1849, il écrit un drame, d’une efficacité redoutable, au succès immédiat. Au théâtre, toutes les grandes de l’époque veulent être « Adrienne » : Mademoiselle Rachel, Sarah Bernhardt qui l’emmène sur la scène londonienne, Eleonora Duse… Du côté de l’opéra, alors que la pièce est jouée depuis près de cinquante ans partout en Europe, Cilea demande à son librettiste Colautti d’adapter l’œuvre de Scribe. Si Colautti resserre un peu l’action, il reste assez fidèle à la pièce de Scribe. Sur les scènes lyriques, même engouement, toutes veulent être « Adriana» : les deux Renata – Tebaldi et Scott, Montserrat Caballé, Joan Sutherland… et tant d’autres. De l’ histoire vraie, aux accents véristes, l’opéra de Cilea s’éloigne pour développer davantage une forme de séduction et une émotion pure. Dès l’air d’entrée, au début de l’acte I, le charme opère : un aria simple au pouvoir émotionnel infini. D’un bout à l’autre de l’œuvre, Cilea utilise des motifs récurrents qui offrent une forme de continuité bien caractéristique permettant d’isoler de magnifiques airs, souvent donnés en concert d’ailleurs.